L’Intelligence Artificielle plus forte que les joueurs de poker ?
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Si récemment, une Intelligence artificielle nommée Libratus a dominé 4 joueurs de poker parmi les meilleurs, l’idée de mesurer l’Intelligence Artificielle à l’intelligence Humaine par le biais du poker n’est pas récente. En réalité cela remonte à 1984, lorsque Mike Caro développa un logiciel nommé Ora, pour participer aux World Series of Poker. Douze ans après Ora, la machine d’IBM Deep Blue battait le champion du monde d’échecs, Garry Kasparov. En 2011, c’est Watson le génial robot intelligent d’IBM qui faisait mordre la poussière aux champions du jeu télévisé Jeopardy, Ken Jennings et Brad Rutter.
Alors pourquoi, quand l’Intelligence Artificielle battait le champion du monde d’échecs en 1996, a t-il fallu attendre si longtemps pour qu’elle triomphe des joueurs de poker ? Et ce succès récent de l’IA sur l’humain représente t-il une menace pour le futur ? Il y a quelques temps, il était encore impossible d’imaginer que l’IA pourrait battre un joueur du calibre de Daniel Negreanu, homme aux 6 bracelets remportés aux World Series Of Poker et ambassadeur de PokerStars. Qu’en est-il aujourd’hui?
Penchons nous un instant sur la différence entre les échecs et le poker.
S’il a été relativement aisé pour l’Intelligence Artificielle de remporter une partie d’échecs, c’est parce que les échecs sont un jeu où chacun des participants connait toutes les informations, puisqu’il s’agit d’observer la situation sur le plateau de jeu pour que chacun puisse prévoir la décision et l’action qui va suivre. Au poker cependant, les joueurs ignorent la main de leurs adversaires et ne peuvent savoir s’ils bluffent ou non. Le poker est en effet un jeu complexe, basé sur l’intuition et des informations incomplètes. Il y donc des inconnues et les joueurs n’ont finalement pas « toutes les cartes en main »! Ce qui revient à dire que l’Intelligence Artificielle ne peut l’emporter que si elle sait bluffer.
Malgré la complexité du défi à relever, l’an dernier, deux programmes d’Intelligence Artificielle, DeepStack et Libratus ont battu des joueurs de Texas Hold’em, une variante du poker. Les créateurs de DeepStack (des chercheurs canadiens et tchèques) ont testé leur programme contre 33 joueurs professionnels sélectionnés par la fédération de Poker. Un test qui s’est déroulé sur 4 semaines et plus de 44 000 jeux de Texas Hold’em.
PHOTO par Many Wonderful Artists, CC BY
Inutile de préciser que tous, de DeepStack à Libratus, proclament avoir obtenu les meilleurs résultats, mais voyons ce que Libratus a vraiment réussi à accomplir. En 2015, un programme appelé Claudico échouait face à 4 joueurs. Claudico servira cependant de base à un nouveau programme, Libratus, qui a lui réussi l’exploit en janvier 2017, de battre 4 joueurs parmi les meilleurs du monde: Dong Kim, Jason Jason Les, Jimmy Chou and Daniel McAulay. Après 120 000 mains de Texas Hold’em et 11 heures de parties journalières, Libratus a rècuperé 1766 250 dollars de jetons aux 4 pros ! Un exploit sans précédent!
Dong Kim interviewé par la suite est revenu sur les quelques éléments qui ont rendu les choses ardues aux pros du poker : d’une part, Libratus s’est montré capable d’apporter une nouvelle stratégie chaque jour et n’a pas eu peur du risque. La machine, n’ayant pas conscience du risque de perdre beaucoup d’argent, Libratus a donc parié … effrontément !
Un certain nombre d’éléments supplémentaires ont permis à Libratus de l’emporter haut la main : chaque soir, l’IA a analysé la partie. Capable d’autocorrection, le programme a corrigé ses erreurs et s’est montré redoutable à chaque nouvelle partie. La machine est donc doté de facultés d’analyse, d’adaptation et d’autocorrection. Et Libratus a bluffé, beaucoup bluffé, on l’a dit. En réalité, le bluff résulte d’actions aléatoires de la machine, il est donc impossible pour les joueurs de savoir si elle bluffe ou non. Même s’il ne s’agit pas du même « bluff », cela fonctionne à merveille ! Enfin, l’atout essentiel de l’Intelligence Artificielle dans une partie de poker relève du fait que la machine ne soit pas sujette aux émotions : pas de signes apparents de fatigue, d’énervement, pas de tics …
L’équipe de chercheurs de Carnegie Mellon University à Pittsburgh en Pennsylvanie a donc réussi avec Libratus, une première d’une importance plus que significative ! Expérience que certains qualifieront de troublante. L’inquiétude monte en effet chez certains scientifiques quant à l’utilisation qui va être fait de cette évolution révolutionnaire fascinante. Jusque là, on avait envisagé l’Intelligence Artificielle comme une simplification de notre quotidien, mais jusqu’où ira t-on ?
Libratus est basé sur le Deep Learning, ce qui signifie que l’Intelligence Artificielle est désormais capable de comprendre et d’apprendre par elle même. Par exemple, on n’a pas enseigné le poker à Libratus mais il a appris à jouer au poker! L’IA a franchi un pas énorme. Au delà du poker, un programme comme celui-ci va pouvoir résoudre des problématiques encore plus complexes dans des domaines comme la sécurité. Et quelles seraient les conséquences du recours à l’Intelligence Artificielle à des fins malveillantes, notamment dans des actions militaires ? Il y a quelques temps, le champion de poker canadien Daniel Negreanu, mettait lui aussi en garde contre une militarisation de l’Intelligence Artificielle. On ne compte d’ailleurs plus les articles alarmistes sur ses dangers.
Qu’en est-il de Watson, le programme d’IBM? Lui aussi a beaucoup évolué depuis sa victoire à Jeopardy, et aujourd’hui, il aide à sauver des vies! De plus en plus d’hôpitaux et de professeurs consultent en effet les diagnostiques de Watson en complément de leurs propres diagnostiques, comme une « seconde opinion ». Watson est capable de diagnostiquer le cancer mais aussi de lire une radio et de détecté des éléments non détectables par les radiologistes ! Et bien plus encore!
Alors, « progrès ou danger » ? Seul l’avenir nous le dira…
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